La dissociation structurelle de la personnalité : un modèle novateur pour comprendre les troubles liés au trauma

Cet article, Présenté par Marie-Agnès Thulliez, propose une analyse du PDF “La dissociation structurelle de la personnalité : un modèle novateur pour comprendre les troubles liés au trauma”

La présentation propose un aperçu détaillé de ce modèle novateur, important pour les professionnels de la santé mentale qui travaillent avec des patients traumatisés. Source : Nijenhuis, E., van der Hart, O., Steele, K., De Soir, E., & Matthess, H. (2006). Dissociation structurelle de la personnalité et trauma. Stress et Trauma, 6(3), 125-139.

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Points clés de l’analyse

  1. Le concept de dissociation structurelle de la personnalité
  2. L’alternance entre reviviscence et détachement dans les troubles liés au trauma
  3. La distinction entre la partie émotionnelle (PEP) et la partie apparemment normale (PANP) de la personnalité
  4. Les facteurs neurobiologiques impliqués dans la dissociation
  5. Les implications pour le traitement des troubles liés au trauma

La dissociation est un phénomène complexe qui se manifeste fréquemment chez les personnes ayant vécu des traumatismes. Dans leur article “Dissociation structurelle de la personnalité et trauma”, Ellert Nijenhuis et ses collègues proposent un modèle innovant pour comprendre et conceptualiser les troubles dissociatifs et post-traumatiques. Ce modèle, appelé “dissociation structurelle de la personnalité”, offre un cadre théorique intégratif pour expliquer les symptômes observés dans un large éventail de troubles liés au trauma, de l’état de stress post-traumatique (ESPT) au trouble dissociatif de l’identité (TDI).

L’alternance entre reviviscence et détachement

L’une des caractéristiques centrales des troubles liés au trauma est l’alternance entre des phases de reviviscence du traumatisme et des phases de détachement ou d’évitement. Les auteurs soulignent que ce schéma a été observé depuis plus d’un siècle et constitue un élément clé de l’ESPT, du trouble de stress extrême et de nombreux troubles dissociatifs. Cette alternance peut être conceptualisée comme impliquant différents “systèmes d’action” ou “systèmes émotionnels”. La reviviscence du trauma est associée à l’activation du système de défense face à une menace vitale, tandis que le détachement implique des systèmes liés à la gestion de la vie quotidienne et à la survie de l’espèce.

La dissociation structurelle primaire

Le modèle proposé postule qu’une grave menace peut provoquer une dissociation structurelle de la personnalité préexistante. Dans sa forme primaire, cette dissociation s’opère entre :

  1. La “partie émotionnelle de la personnalité” (PEP) : associée à la reviviscence du trauma et au système de défense.
  2. La “partie apparemment normale de la personnalité” (PANP) : liée à la gestion de la vie quotidienne et à l’évitement du trauma.

Cette dissociation structurelle primaire caractérise l’ESPT simple.

Caractéristiques de la PEP et de la PANP

La PEP est décrite comme un système mental contenant essentiellement des souvenirs traumatiques non intégrés. Ces souvenirs sont vécus de manière sensorielle et émotionnelle intense, comme si l’événement se reproduisait dans le présent. La PEP est fixée dans l’expérience traumatique et peine à s’adapter à la réalité actuelle. La PANP, quant à elle, se caractérise par un évitement du trauma et une apparence de normalité. Elle présente souvent une amnésie partielle ou totale du traumatisme et un manque de personnification des souvenirs traumatiques. Son niveau de fonctionnement peut varier considérablement selon les cas.

L’échec des capacités intégratives

Les auteurs expliquent que le trauma interfère avec les processus mentaux intégratifs normaux, notamment :

  • La synthèse : la création de structures mentales cohérentes à partir des perceptions et expériences.
  • La personnification : l’appropriation des expériences comme faisant partie de soi.
  • La présentification : la capacité à être pleinement présent dans l’instant, en intégrant passé et futur.

L’échec de ces processus se manifeste par la dissociation péritraumatique lors de l’événement traumatique, puis par le maintien de la dissociation structurelle à long terme.

Facteurs neurobiologiques

Le modèle s’appuie sur des données neurobiologiques montrant que le trauma peut affecter le fonctionnement cérébral. 

Par exemple :

  • La libération excessive d’hormones de stress comme la noradrénaline peut interférer avec l’intégration des expériences au niveau de l’hippocampe et du cortex préfrontal.
  • Des changements structurels dans l’hippocampe ont été observés chez des patients souffrant d’ESPT et de TDI.

Ces modifications neurobiologiques pourraient expliquer en partie les difficultés d’intégration des expériences traumatiques.

Formes plus complexes de dissociation structurelle

Le modèle propose également des formes plus complexes de dissociation structurelle :

  1. La dissociation structurelle secondaire : fragmentation de la PEP en plusieurs sous-parties, caractéristique de l’ESPT complexe et des troubles dissociatifs non spécifiés.
  2. La dissociation structurelle tertiaire : fragmentation à la fois de la PEP et de la PANP, observée dans le TDI.

Ces formes plus complexes seraient liées à des traumatismes plus sévères, chroniques ou précoces, en particulier dans les cas de maltraitance infantile.

Implications pour le traitement

Ce modèle a des implications importantes pour le traitement des troubles liés au trauma. Les auteurs préconisent une approche par phases :

  1. Stabilisation et renforcement de la PANP
  2. Traitement des souvenirs traumatiques
  3. Intégration de la personnalité

L’objectif final est de permettre une intégration progressive des différentes parties dissociées de la personnalité.

Conclusion

Le modèle de la dissociation structurelle de la personnalité offre un cadre théorique cohérent pour comprendre et traiter un large éventail de troubles liés au trauma. En conceptualisant ces troubles comme résultant d’une dissociation entre différents systèmes d’action évolutifs, il permet d’expliquer de nombreux symptômes observés cliniquement. Ce modèle souligne l’importance d’une approche intégrative du traitement, visant à dépasser progressivement la dissociation structurelle pour permettre une meilleure adaptation à la vie quotidienne.

Il ouvre également de nouvelles perspectives de recherche sur les mécanismes neurobiologiques sous-jacents à la dissociation traumatique. Bien que des études supplémentaires soient nécessaires pour valider pleinement ce modèle, il constitue une avancée significative dans notre compréhension des troubles liés au trauma. En offrant un cadre unifié pour conceptualiser ces troubles, de l’ESPT simple au TDI, il permet de dépasser les clivages théoriques et d’envisager des approches thérapeutiques plus adaptées à la complexité des expériences traumatiques.

Marie-Agnès Thulliez

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