
Vers une explication scientifique et structurée des mécanismes en jeu
Introduction
L’EMDR (Eye Movement Desensitization and Reprocessing) est une approche de plus en plus utilisée pour traiter les traumatismes psychiques, notamment le trouble de stress post-traumatique (TSPT). Découverte en 1987 et mise au point par Francine Shapiro en 1987, elle combine l’activation d’un souvenir perturbant et une stimulation bilatérale (souvent des mouvements oculaires).
Si son efficacité clinique est bien documentée, les mécanismes cognitifs qui sous-tendent cette méthode suscitent encore des débats. L’une des hypothèses les plus solides repose sur le modèle de la mémoire de travail, tel que revisité en 1974 par Alan Baddeley et Graham Hitch, bien avant l’apparition de l’EMDR.
Cet article explore comment ce modèle permet de comprendre ce qui se joue, concrètement, dans une séance d’EMDR. Il s’appuie sur les travaux fondateurs des Dr Baddeley & Hitch, sur l’étude de Gunter & Bodner (2008) et sur les applications cliniques proposées par le Pr Ad de Jongh et le Dr Suzy Matthissjen avec l’EMDR 2.0.
I. Le modèle de la mémoire de travail : des origines théoriques à la clinique
1.1 Une théorie cognitive revisitée en 1974
En 1974, Baddeley et Hitch proposent une nouvelle façon de concevoir la mémoire à court terme. Pour eux, la mémoire de travail est un système actif et dynamique, composé de plusieurs sous-systèmes :
-
Une boucle phonologique (traitement verbal et auditif)
-
Un calepin visuo-spatial (traitement visuel et spatial)
-
Un administrateur central chargé de coordonner les ressources attentionnelles
➡️ Référence originale : Baddeley, A. D., & Hitch, G. J. (1974). Working memory. In G. A. Bower (Ed.), The psychology of learning and motivation (Vol. 8, pp. 47–89). Academic Press. Lire sur ResearchGate
Ce modèle a servi de base à de nombreuses recherches en neuropsychologie cognitive, notamment sur le traitement multitâche, la régulation émotionnelle et les effets de surcharge cognitive.
1.2 Le lien avec l’EMDR
Dans le cadre de l’EMDR, l’idée est que lorsqu’une personne se remémore un souvenir traumatique tout en effectuant une tâche parallèle (comme des mouvements oculaires), les deux sollicitent les mêmes ressources cognitives limitées. Cette mise en concurrence affaiblit la représentation mentale du souvenir, réduisant son impact émotionnel et sensoriel.
Ce principe est au cœur du modèle « dual-task » soutenu par plusieurs chercheurs, dont Maxfield (2004), Van den Hout, Kavanagh, et Gunter & Bodner (2008).
II. Gunter & Bodner (2008) : une validation expérimentale du modèle
Gunter & Bodner ont mené une étude expérimentale publiée dans Behaviour Research and Therapy, avec des participants non cliniques. Ils ont observé les effets de différentes tâches cognitives sur la vivacité des souvenirs désagréables. Voici les principaux résultats :
✅ Effet des mouvements oculaires :
-
Réduction de la vivacité, de l’intensité émotionnelle et du sentiment de complétude des souvenirs
-
Effet uniquement présent si le souvenir est activé pendant la tâche
-
D’autres tâches cognitives ont des effets similaires (ex. : compter, dessiner, répéter des sons)
✅ Interprétation :
-
Les résultats confirment l’implication de la mémoire de travail, notamment de l’administrateur central
-
Plus une tâche est exigeante, plus elle perturbe la représentation du souvenir
➡️ Lire l’article : Gunter, R. W., & Bodner, G. E. (2008). How eye movements affect unpleasant memories: Support for a working-memory account. Behaviour Research and Therapy, 46(8), 913–931. https://doi.org/10.1016/j.brat.2008.04.006
Résumé et synthèse de l’article en français :
III. EMDR 2.0 : optimiser la charge cognitive
3.1 Une évolution proposée par le Pr Ad de Jongh et le Dr Suzy Matthijssen
L’EMDR 2.0 est une version enrichie de la thérapie EMDR classique, conçue pour renforcer la charge imposée à la mémoire de travail pendant la désensibilisation d’un souvenir traumatique. Cette adaptation est née du constat que l’efficacité de l’EMDR repose en grande partie sur la concurrence cognitive générée entre le souvenir activé et la tâche duale proposée (généralement des mouvements oculaires). En intensifiant cette concurrence, l’EMDR 2.0 vise à accélérer le processus de désensibilisation tout en améliorant sa stabilité.
Dans l’EMDR 2.0, les tâches duales sont volontairement plus complexes et dynamiques. Elles peuvent inclure, par exemple, des mouvements oculaires très rapides, des combinaisons avec des tâches mentales exigeantes (comme compter à rebours, nommer des catégories d’objets, suivre un stimulus imprévisible) ou encore l’usage de variations auditives. L’idée est de saturer de manière plus complète la mémoire de travail afin de réduire plus rapidement la vivacité, la charge émotionnelle et la cohérence perceptuelle du souvenir ciblé.
Mais l’innovation ne se limite pas à la simple intensification des tâches. L’EMDR 2.0 intègre aussi des stratégies spécifiques pour travailler avec les patients présentant des profils cliniques complexes : évitement actif, faible activation du souvenir, troubles dissociatifs, blocages cognitifs ou résistance émotionnelle. Des techniques comme le « mental video check », le « EMD bomb » ou l’activation positive ciblée sont mobilisées pour contourner ces obstacles et créer un engagement plus efficace du patient dans le travail de retraitement.
L’étude comparative menée par Matthijssen et al. (2021), publiée dans European Journal of Psychotraumatology, a permis de tester les effets de l’EMDR 2.0 sur un échantillon non clinique. Les résultats indiquent que cette nouvelle version permet une réduction comparable de la vivacité et de l’émotionnalité des souvenirs, tout en nécessitant significativement moins de séries pour atteindre cet effet. Cela suggère une efficacité accrue et un potentiel intéressant pour optimiser le temps de traitement.
➡️ Matthijssen, S., Brouwers, T., van Rooij, C., Verhoeven, T., & de Jongh, A. (2021). The effect of EMDR versus EMDR 2.0 on emotionality and vividness of aversive memories in a non-clinical sample. European Journal of Psychotraumatology, 12(1), 1978799. https://doi.org/10.1080/20008198.2021.1978799
Une autre étude récente, le protocole ENHANCE, constitue à ce jour la première recherche en essai contrôlé randomisé évaluant l’efficacité de l’EMDR 2.0 chez des patients cliniquement diagnostiqués avec un TSPT. Ce protocole vise à comparer l’EMDR standard, l’EMDR 2.0 et la méthode Flash sur des critères d’efficacité, d’efficience et d’acceptabilité. Les résultats préliminaires sont attendus avec intérêt car ils permettront de déterminer dans quelle mesure l’EMDR 2.0 peut devenir un choix thérapeutique privilégié dans des contextes cliniques complexes.
➡️ Matthijssen, S., et al. (2023). ENHANCE: Study protocol for a randomized controlled trial comparing EMDR, EMDR 2.0, and the Flash technique in adults with PTSD. European Journal of Psychotraumatology. https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/38025421/
Enfin, une présentation approfondie de cette approche a été réalisée lors de la conférence EMDR UK en 2020, dans laquelle les auteurs ont exposé les fondements théoriques et les choix méthodologiques ayant conduit à la mise en place de l’EMDR 2.0. Cette présentation reste une référence utile pour comprendre la logique clinique de cette évolution :
➡️ de Jongh, A., & Matthijssen, S. (2020, juin). EMDR 2.0: An enhanced version of EMDR therapy? Conférence EMDR UK
➡️ Vidéo : The Working Memory Theory in EMDR (YouTube)
L’approche de l’EMDR 2.0 vise à intensifier la saturation de la mémoire de travail pour faciliter une désensibilisation plus rapide et efficace des souvenirs perturbants.
💡 Principes de l’EMDR 2.0 :
-
Utilisation de tâches duales complexes (ex. : mouvements oculaires rapides associés à une tâche mentale)
-
Réduction du nombre de séries nécessaires
-
Stratégies spécifiques pour les patients avec évitement, faible activation ou blocages cognitifs
Une étude comparative menée par Matthijssen et al. (2021) a montré que l’EMDR 2.0 permettait d’obtenir les mêmes effets que l’EMDR standard sur la vivacité et l’émotionnalité des souvenirs, mais avec moins de répétitions. Ces résultats suggèrent un gain d’efficacité potentiellement significatif.
➡️ Référence : Matthijssen, S., Brouwers, T., van Rooij, C., Verhoeven, T., & de Jongh, A. (2021). The effect of EMDR versus EMDR 2.0 on emotionality and vividness of aversive memories in a non-clinical sample. European Journal of Psychotraumatology, 12(1), 1978799. https://doi.org/10.1080/20008198.2021.1978799
IV. Ce que dit la littérature scientifique sur l’EMDR
La littérature scientifique sur l’EMDR s’est d’abord concentrée sur l’évaluation de son efficacité clinique dans le traitement du traumatisme psychique. Depuis les années 2000, les modèles explicatifs se sont affinés, notamment autour de la mémoire de travail, ouvrant la voie à des versions plus ciblées comme l’EMDR 2.0.
4.1 Études cliniques classiques sur l’EMDR
Plusieurs méta-analyses et recommandations officielles ont confirmé l’efficacité de l’EMDR, notamment dans le traitement du TSPT :
-
Davidson & Parker (2001) : une méta-analyse montrant une efficacité comparable à celle des thérapies cognitivo-comportementales (TCC).
-
Bisson et al. (2007) : revue Cochrane concluant que l’EMDR est un traitement de première intention pour le TSPT.
-
American Psychiatric Association (2004) : recommandation de l’EMDR au plus haut niveau pour le traitement du TSPT.
➡️ Références :
-
Davidson, P. R., & Parker, K. C. H. (2001). Meta-analysis of EMDR
-
American Psychiatric Association (2004). Guideline
4.2 Études spécifiques sur l’EMDR 2.0 et la mémoire de travail
Avec le développement de l’EMDR 2.0, les recherches ont porté plus spécifiquement sur les mécanismes cognitifs sous-jacents, notamment l’implication de la mémoire de travail. Ces études cherchent à évaluer comment l’intensification des tâches duales améliore l’efficacité du retraitement.
-
de Ad de Jongh Suzy Matthijssen – Thomas Browersa, Celeste de Roozenalb, Tessa Vuisterb
-
Thèse de doctorat de Florent VIARD pour l’obtention du grade de Dr en Psychologie : L’EMDR dans l’évolution de la prise en charge du TSPT : Psychothérapie de la dissociation par les SBA auditives 2018AZUR2028
-
Matthijssen et al. (2023) : protocole d’étude ENHANCE (essai contrôlé randomisé) comparant EMDR, EMDR 2.0 et la technique Flash dans le traitement du TSPT. PubMed
- Même étude traduite en français
- https://wemindemdr.fr/lefficacite-lefficience-et-lacceptabilitede-lemdr-par-rapport-a-lemdr-2-0-par-rapport-a-la-technique-flash-dans-le-traitement-des-patients-atteints-desspt-protocole-detude-pour-lessa/
Ces travaux soutiennent l’idée que la saturation cognitive — cœur du modèle de la mémoire de travail — constitue un levier thérapeutique essentiel. L’EMDR 2.0, en optimisant cette dynamique, pourrait non seulement améliorer l’efficacité du traitement, mais aussi en réduire la durée globale, en particulier pour les patients présentant des résistances ou des troubles complexes.## V. Implications cliniques
V. Implications cliniques
L’un des apports majeurs du modèle de la mémoire de travail appliqué à l’EMDR est la possibilité d’ajuster les tâches duales selon les capacités cognitives et le profil clinique du patient. La saturation cognitive fonctionne mieux lorsqu’elle est finement dosée.
Pour les patients ayant une forte capacité de mémoire de travail, souvent jeunes, sans comorbidités ou déjà habitués aux environnements multitâches, on peut augmenter l’intensité des tâches : mouvements oculaires rapides, combinaisons avec des tâches verbales, stimuli complexes et imprévisibles. Cela permet de maintenir un niveau optimal de saturation cognitive et de faciliter un retraitement plus rapide.
À l’inverse, l’EMDR 2.0 est tout à fait compatible avec les profils vulnérables ou dissociatifs. Contrairement à une idée reçue, cette forme enrichie d’EMDR est souvent mieux tolérée que la version standard. On commence généralement avec des tâches simples et des consignes rassurantes. L’objectif est de favoriser l’engagement tout en maintenant une activation suffisante du souvenir dysfonctionnel. Une fois cette activation établie, la tâche duale est progressivement ajustée pour saturer la mémoire de travail de manière optimale. Ce processus permet de réduire plus rapidement la vivacité et la charge émotionnelle du souvenir, tout en maintenant un bon niveau de tolérance émotionnelle.
L’expérience de la clinique Psytrec, dirigée par le Pr Ad de Jongh, va dans ce sens : l’EMDR 2.0, y est utilisée à grande échelle, parfois dans un format intensif digitalisé (utilisation de la plateforme WeMindEMDR). L’adaptation constante de la charge cognitive, en fonction du vécu et des réactions du patient, en est une des clés de succès.
Conclusion
Le modèle de la mémoire de travail formulé par Baddeley & Hitch offre aujourd’hui une explication robuste, fonctionnelle et testable des effets observés en EMDR. En mettant en lumière le rôle des ressources attentionnelles limitées, il permet de comprendre comment une tâche concurrente — comme les mouvements oculaires — peut diminuer l’impact émotionnel d’un souvenir activé.
L’EMDR 2.0 s’inscrit pleinement dans cette logique. En augmentant la charge cognitive de manière ciblée, cette approche cherche non seulement à accélérer le processus de désensibilisation, mais aussi à le rendre plus stable et plus accessible à des profils de patients variés, y compris ceux présentant des résistances, des troubles dissociatifs ou des troubles complexes.
Ce qui distingue l’EMDR 2.0 n’est pas uniquement l’intensité des tâches duales, mais la posture clinique qu’elle propose : plus stratégique, plus flexible, plus individualisée. Cette évolution s’appuie sur des données expérimentales solides et sur une compréhension mécanistique du fonctionnement cognitif en séance. Elle ouvre la voie à un EMDR plus efficace, potentiellement plus rapide, et surtout mieux adapté aux besoins singuliers de chaque patient.
Ainsi, l’avenir de l’EMDR semble passer par l’intégration de la psychologie cognitive expérimentale dans la pratique clinique, avec un intérêt croissant pour la modulation de la mémoire de travail comme levier thérapeutique. Cette articulation entre science et clinique, entre mécanismes mesurables et ajustements en temps réel, marque un tournant dans l’histoire de la thérapie des traumatismes psychiques., on entend ici une explication fonctionnelle et testable : on ne parle plus de métaphores ni de concepts flous, mais de processus mentaux concrets, mesurables, et modifiables en séance.
Marie-Agnès Thulliez
📚 Bibliographie
-
Baddeley, A. D., & Hitch, G. J. (1974). Working Memory. In G. A. Bower (Ed.), The Psychology of Learning and Motivation (Vol. 8, pp. 47–89). Academic Press.
-
Gunter, R. W., & Bodner, G. E. (2008). How eye movements affect unpleasant memories: Support for a working-memory account. Behaviour Research and Therapy, 46(8), 913–931. DOI
-
Shapiro, F. , Solomon R. (2001). Eye Movement Desensitization and Reprocessing: Basic principles, protocols, and procedures. Guilford Press.
-
Maxfield, L. (2004). A working memory explanation for the effects of eye movements in EMDR. Journal of Clinical Psychology, 60(12), 1377–1391.
-
Davidson, P. R., & Parker, K. C. H. (2001). Eye Movement Desensitization and Reprocessing (EMDR): A meta-analysis. Journal of Consulting and Clinical Psychology, 69(2), 305–316.
-
Bisson, J. I., Roberts, N. P., Andrew, M., Cooper, R., & Lewis, C. (2007). Psychological therapies for chronic post-traumatic stress disorder (PTSD) in adults. Cochrane Database of Systematic Reviews, (3).
-
American Psychiatric Association (2004). Practice Guideline for the Treatment of Patients with Acute Stress Disorder and Posttraumatic Stress Disorder. Lien APA
🧠 WeMind EMDR : une plateforme thérapeutique fondée sur la mémoire de travail et l’EMDR 2.0
La plateforme WeMind EMDR s’appuie directement sur les avancées récentes en psychologie cognitive et en psychotraumatologie, notamment les travaux sur la mémoire de travail (Baddeley & Hitch, 1974) et l’approche EMDR 2.0 développée par le Pr Ad de Jongh et le Dr Suzy Matthijssen.
L’hypothèse centrale est désormais bien établie : lors d’une tâche duale sollicitant intensément la mémoire de travail (comme les mouvements oculaires associés à une tâche cognitive), les ressources attentionnelles limitées du patient sont saturées. Cela réduit la vivacité, la charge émotionnelle et la cohérence perceptuelle du souvenir activé et facilite son retraitement.
💡 Ce que propose WeMind EMDR, c’est d’optimiser cette saturation cognitive à chaque séance.
Grâce à des algorithmes adaptatifs, la plateforme :
-
ajuste en temps réel la complexité des tâches duales en fonction du retour du thérapeute,
-
propose des stimuli variés (visuels, auditifs, rythmiques) calibrés pour maintenir l’attention et éviter l’habituation,
-
facilite l’engagement du patient même en cas d’évitement ou d’émoussement émotionnel.
📈 Résultat :
-
une désensibilisation plus rapide (moins de séries nécessaires),
-
une réduction significative des phénomènes dissociatifs,
-
une thérapie plus stable, plus ciblée, et mieux tolérée, y compris chez les patients complexes.
WeMind EMDR soutient une posture clinique flexible et stratégique, en accord avec l’esprit de l’EMDR 2.0. Le thérapeute reste maître de la séance, mais bénéficie d’un outil intelligent pour renforcer ses interventions au moment le plus opportun.
👉 Essayez les plateformes WeMind et Practice EMDR pendant 14 jours, gratuitement frais dès maintenant 🔹 Sans engagement – Accès immédiat aux 2 plateformes
🎁 Essayez WeMind (pour consulter) et Practice EMDR (pour s’entrainer) maintenant avec 90 % de réduction Sans engagement – accès immédiat aux 2 plateformes avec un code formateur